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La formation en 2030 : nouveaux métiers, nouveaux espaces et nouveaux financements

Le numérique a bouleversé les codes du secteur de la formation. Selon une étude publiée par Dell et l’Institut pour le futur, 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore. L’intelligence artificielle et la réalité virtuelle vont transformer en profondeur les métiers existants et en créer de nouveaux. Comment évoluera la formation durant ces 10 années ? Pierre Berthou et Yannig Raffenel, les deux fondateurs du Learning Show, nous livrent leurs convictions.

 

 

La formation verra-t-elle apparaître de nouveaux métiers ?

Yannig Raffenel :
Les formateurs n’auront plus la fonction première de dispenser les savoirs. La valeur d’un organisme de formation n’est déjà plus dans son savoir mais dans sa capacité à construire des dispositifs à haute valeur ajoutée et à vendre du service. Tous ces services permettent de garantir un taux de complétion des parcours et la montée en compétence réelle et mesurable des collaborateurs. La qualité du dispositif est donc primordiale pour apporter ces garanties.
On voit émerger de nouveaux métiers : les e-concepteurs, les mentors, les ingénieurs pédagogiques, les customers sucess managers… Tous ces professionnels coopèrent pour assembler leurs compétences : celui/celle qui conçoit, celui/celle qui accompagne, celui/celle qui rend les outils efficients et mesure les impacts dans la travail des apprenants… Parlera-t-on encore de formateur dans 10 ans ? En tous cas, le schéma associant formateur et apprenant aura largement disparu.

Le rôle d’accompagnateur des apprenants dans leur parcours d’apprentissage est la clé pour les organismes de formation. Plus la technologie est utilisée, plus l’humain est indispensable. L’apprentissage devient multi canal, multi-formes. Il ne se déroule plus exclusivement dans des salles de formation mais partout au sein de l’entreprise, même en dehors de celle-ci. La place de la formation informelle grandit, de même que la formation par les pairs ou la formation en situation de travail.

Comment la réalité virtuelle et l’intelligence artificielle vont-elles bouleverser la formation ?

Yannig Raffenel :

Avec la réalité virtuelle, les canaux d’apprentissage sollicités chez l’individu sont totalement transformés. Il ne s’agit plus d’apprendre en utilisant sa capacité à réfléchir, à retenir, à mémoriser. Ce ne sont plus les fonctions cérébrales habituelles que l’on va stimuler. En plaçant l’apprenant en totale immersion, on développe ses réflexes, on le connecte avec ses émotions, l’individu va réaliser une expérience totale, immersive dont le souvenir va s’engrammer de manière solide.
La VR permet de développer des dispositions d’esprit, des compétences transversales aussi appelées Smartskills. Ce type de dispositif peut être utile pour permettre une prise de conscience en amont de la formation ou mobiliser le collaborateur qui va s’engager ensuite dans une formation. L’individu est considéré dans son altérité physique, émotionnelle et intellectuelle.
Paradoxalement, avec la réalité virtuelle on apprend en faisant. Par exemple : en simulant un incendie, on va avoir à agir pour apprendre à l’éteindre. On peut s’entrainer à mener un entretien, à parler en public…C’est très concret et terriblement efficace.

Pierre Berthou :

La réalité virtuelle, finalement, permet de  revaloriser le rôle de l’enseignant. Il se place en complémentarité en débriefant les expériences vécues en immersion.
La réalité virtuelle est une solution que l’on peut largement utiliser en  présentiel, son adoption par les formateurs est assez rapide. Plus largement, je suis convaincu que la révolution de l’enseignement et de la formation est à venir. Presque tout reste à faire de l’école primaire à l’université. Les innovations et les nouvelles pratiques pédagogiques restent encore trop marginales. Passer de l’expérimentation à la généralisation représente un chantier immense !

L’humain restera-t-il au cœur de la formation ?

Pierre Berthou :

La relation humaine, la capacité à collaborer entre êtres humains sera essentielle et sera certainement renforcée. La grande question est celle de la complémentarité entre l’homme et la « machine ». Que fait la machine ? Comment la maîtriser ? Qu’elle est la place de l’humain par rapport à l’expertise qu’apporte le logiciel ? Si on prend l’exemple de la réalité virtuelle, elle amène une  dimension  immersive très puissante en matière d’apprentissage. Pour autant, est-ce suffisant pour bien se former ? A l’heure actuelle, la réponse est non. Il faut donc réfléchir à la posture du formateur qui utilise un tel support, à la valeur ajoutée et la complémentarité qu’il va apporter dans l’apprentissage. Autre exemple, l’intelligence artificielle permet d’analyser la manière dont un individu apprend. Elle individualise la formation de manière automatique et massive. Là non plus, on ne pourra pas se passer du formateur mais il va falloir réinventer son rôle.

Qu’en sera-t-il des lieux de formation ?

Yannig Raffenel :

Les lieux de formation vont se transformer pour devenir, à la manière de certaines salles de sport, des espaces d’entrainement. En mobilisant toujours plus de technologie, ils offriront des moyens pour apprendre par l’erreur, sans conséquence, sur des dispositifs pour « apprendre en faisant ». La salle de classe classique aura probablement disparu.
On se formera partout et très certainement, de plus en plus, au sein même de l’entreprise. Car l’obligation de développer de nouvelles compétences, de s’adapter à l’émergence de nouveaux métiers sera toujours plus forte.

Les modes de financement vont-ils poursuivre leur évolution ?

Pierre Berthou :

Les financements publics sont indispensables pour former les personnes très éloignées de l’emploi et qui sont parfois en rupture et ils continueront à accompagner des bassins d’emploi sur des problématiques spécifiques. Par contre, l’état et les collectivités, les financeurs donc, seront de plus en plus exigeants et pousseront les entreprises de formation à se moderniser, à proposer des dispositifs hybrides et innovants. Ceux qui n’adapteront pas leur offres disparaitront !

Parallèlement, le marché privé de la formation a commencé sa mue depuis longtemps et les dernières réformes ne font qu’accélérer cette transformation. La formation pour les entreprises est  devenue à un marché classique qui répond aux règles classiques de marché. 

Enfin, des dispositifs hybrides viendront  compléter ce tableau. Ils feront appels à du financement CPF, du financement public pour des individus qui seront de plus en plus nombreux à accepter de payer directement, quand ils le peuvent, leurs formations.

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